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Channel: Mon poing perdu dans ta poche crevée » Genre
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Genre : les moissons

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(Préviousselie)

La lune éclaire la façade. Visibilité excellente, je ne peux pas sortir par là, ça serait un suicide. Je passe par derrière. Et je me mets à cogiter. Je cogite toujours beaucoup et très vite dès que les armes sont de sortie. Chaque fois que je suis au milieu d’une fusillade, c’est le même plan. Le temps ralentit, tout est silencieux.

Ça ne colle pas. Ça ne peut pas être eux. Pas maintenant.  Et puis c’était pas des manières de faire. Sur quoi ils auraient tiré ? Et puis pourquoi ? Faire un guet-apens en défouraillant dans les coins, c’est peut-être pas tous des lumières dans l’équipe, mais ils sont pas cons à ce point. Et puis le coup de feu était assez lointain, je crois… Et comment m’auraient-ils retrouvé si vite ? L’Abbé m’aurait balancé ? S’il a encore des couilles dans le caleçon, c’est quand même grâce à moi. On aime pas trop les violeurs là où on s’est rencontré. Un violeur, c’est une menace potentielle pour les mères, les femmes et les filles des taulards. Et c’était pas son seul défaut à L’Abbé. Il avait pas de face. Il rasait les murs. Il lisait des livres. Il regardait tout le temps ses pompes. Il  se battait jamais. Il ne faisait pas de sport. Il balançait des vannes que personne comprenait. Il avait la carrure d’un coton-tige qu’aurait avalé une boule de bowling. Il venait des beaux quartiers. Il avait tout pour déplaire, le passé, la gueule, les manières. Mais L’Abbé était dans ma cellule.  L’Abbé m’a empêché de m’abrutir avec la télé, le sub et l’alcool. L’Abbé cuisinait super. L’Abbé m’a encouragé à faire des études. Et surtout L’Abbé connaissait très bien la loi. Il a géré toute ma détention. Les permes et les remises de peine, c’est grâce à lui que je les ai eues. Grâce aux études. A l’emploi fictif qu’il m’a trouvé dehors. Alors L’Abbé, personne n’y touchait plus depuis que j’avais éclaté deux petits reubeus dans les douches. Ils étaient en train de le travailler avec une lame de rasoir plantée dans le manche d’une brosse à dents. Ils voulaient lui couper les couilles. Je leur ai expliqué à coups de poing qu’ils étaient plus à Bois d’Arcy. Et que c’est pas à vingt piges qu’on devient un caïd en centrale. Non, je ne croyais pas que L’Abbé m’avait balancé.

En même temps, à partir du moment où j’avais entendu le coup de feu, il fallait bien que je fasse quelque chose. Et appeler les condés n’était sans doute pas l’idée la plus brillante. C’est quand même dommage que je n’ai pas pris le temps de scier le canon et la crosse du fusil. Ou de prendre le Beretta en descendant.

Je contourne le bâtiment à l’ombre et jette un coup d’oeil en face. Ils sont deux. Ils sont loin. Dans le champ des aubracs. Leurs silhouette sse détachent parfaitement. Celui de gauche marche comme un mec qui aurait asséché une bouteille de whisky cul sec. Il a l’air plus que mûr. Il n’est pas armé. Celui de droite, épaule le fusil et tire à nouveau. La jambe du mec de gauche vole et il s’écroule. L’autre marche vers lui en rechargeant calmement. Il arrive à côté, il vise longuement la tête. Eclair très net du coup de feu. C’est le visage de mon gentil voisin agriculteur que je vois apparaître. Je crois. Il repart d’un pas lourd vers la ferme. Je m’accroupis dans l’ombre. Il revient en tracteur, accroche un treuil au cadavre et  roule vers le bâtiment. Il s’arrête. Qu’est-ce qu’il peut bien foutre ? Il descend et accroche un deuxième treuil à une vache morte que je n’avais pas vue. Il bouine un peu et s’allume une clope en regardant les étoiles. Il emmène le tout bien posé sur son tape-cul. Il a quand même des nuits agitées, le voisin, pour un pecnaud. Ça m’arrange pas trop tout ça. D’ici à ce que la cavalerie débarque demain…

(Toubicontinioude…)


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